Sophie Lecomte
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La peau, le grain de la peau.
C’est parfois par l’infime que la connaissance et la conscience des autres et de soi-même se fait. Sophie LECOMTE vous invite à le constater. Son regard porté sur les choses est en effet de l’ordre du constat. Ses réalisations nous laissent pour cela un peu surpris, un peu nostalgiques, un peu repoussés par l’état des choses et l’inéluctabilité constatée de leurs existences.

Tel est le parti pris de sa démarche artistique. Son travail s’inscrit et se nourrit de ses rapports à la durée : les médiums utilisés portent en eux le poids du temps (image photographique, image vidéo, mais aussi éléments naturels et vivants comme des cheveux, de la peau, la mue de cigale ou d’insectes). L’imagerie convoquée conjugue aussi cette exigence : Sophie LECOMTE utilise le registre de la métamorphose pour affirmer la teneur temporale de ses réalisations. En le faisant, elle nous rappelle que toute œuvre est un dispositif de représentation, un espace d’intelligibilité par lequel le spectateur est appelé à prendre conscience d’un état.

Le processus langagier donne forme et sens à ce que l’on ne pouvait pas encore appréhender il y a juste un instant, une seconde, un fragment d’éternité. Telle une chrysalide, l’œuvre donne à voir un état d’être supplémentaire : elle apporte ce sentiment de la perception sensible, le goût des choses, la saveur du temps. Il y a de la révélation dans le travail de Sophie LECOMTE et pas seulement parce qu’elle recourt aux sels d’argent. Ces éléments sont les traces visibles et résiduelles de l’invisible, de l’indicible. Sophie LECOMTE construit peu à peu, presque scientifiquement, un archivage scrupuleux pour nous proposer une muséographie du fragment, une matériologie. Les techniques requises pour cela sont des techniques descriptives par lesquelles elle épingle le temps passé. De fil en fil, elle tisse une toile, un dispositif sensible, à fleur de peau qui favorise ce qui pourrait être de l’ordre de la persistance rétinienne, cette capacité de l’œil à prolonger un peu plus la vision pour en favoriser son interprétation.

Le cheminement visuel est primordial dans le travail de Sophie LECOMTE : il est au cœur d’un schéma de production. Sophie LECOMTE s’inscrit dans une planification de sa production à la fois matérielle et temporale. Elle use de cette « grille », de ce « tamis » pour nous montrer l’extrême fragilité de cet état de constat. Pour nous faire toucher du bout de l’œil la lucidité d’un temps qui n’est déjà plus.

Éric Dégoutte.
L’espace d’une œuvre.
Catalogue du Salon d’art contemporain de Chelles.